Visite de l’exposition Soulages · Musée du Luxembourg
14 octobre 2025
Avec l’association Venez et voyez
Venez et voyez.fr
Le médiateur insuffle la vie à l’art.
Ce que j’ai noté sur le travail de Stéphane Coviaux, historien de l’art, qui nous a fait visiter cette exposition :
1. Nous allons directement vers l’œuvre qui plaît au médiateur
Car aimer une œuvre, c’est bien transmettre autour d’elle.
Stéphane Coviaux nous a proposé de regarder une œuvre sur papier pendant 3 minutes. Grâce à ce temps, j’ai vu une coulure que je n’aurais jamais remarqué autrement. Elle m’a posé question : le peintre a t-il peint à l’envers? Réponse : au sol.
D’autres personnes ont vu plus large : l’énergie mise dans la toile, la profondeur, les camps de concentration…
Comme le disait Stéphane, il s’agit de tout accueillir sans réfléchir, puis de TRIER les réponses.
Il y a donc les vues générales, les vues de détails, les comment ça a été fait, les qu’est ce que ça veut dire, le qu’est ce que je ressens. Il n’y a pas de mauvaises réponses, juste des points d’entrées propres à chacun.
Ça déculpabilise, déjà on respire mieux!
On se déprend surtout du « qu’est-ce que ça veut dire » : exit le mental, retour au corporel.
Se mettre dans la peau de l’artiste?
Je suis impressionnée par la connaissance non pas historique mais picturale de Stéphane. Il a vraiment regardé le travail de Soulages : je me demande s’il n’a pas lui-même essayé de peindre pour se rendre compte de la façon d’entreprendre ces traces posées. On voit bien les différences entre usage du pinceau et du couteau par exemple. On se met dans le geste de l’artiste, on est avec lui, on imagine à ses côtés. On cherche à qualifier ces traces : sont-elles décidées, rondes ou soyeuses?
Tout est énergie.
Il a même parlé d’une chose : alors qu’il visitait la rétrospective de Soulages au Centre Pompidou, l’artiste était présent dans les salles. Il a eu la même émotion en voyant l’homme que lorsqu’il avait vu ses toiles : sa démarche, son “geste” émanait de lui. Pour moi il y a quelque chose de presque énergétique là-dedans.
2. Retour en arrière, sur les traces de la chronologie
Très intéressant d’avoir des éléments de sa vie, sans rentrer dans une psychanalyse de l’œuvre ou une histoire du siècle. Voir surtout l’évolution de son travail, les sous-ensembles qui émergent (peut-on parler de séries avec Soulages?), quelques repères sur sa vie… J’aime bien cette idée d’avoir vu l’expo dans un nouveau sens de visite, et de surtout ne pas regarder trop les cartels!
3. Sillonner le musée et s’arrêter sur des toiles qui parlent.
Là, Stéphane nous dit qu’il nous faut nous déprendre. Par ex, du “j’aurais pu le faire”, ou “un enfant aurait pu le faire. ” On accueille (ça m’a un peu énervé la femme qui pensait ça, mais elle a été accueillie dans son jugement). Admettre que oui la peinture abstraite (en fait concrète! disait Soulages) est difficile au premier regard, et puis on entre doucement dedans.
Se défaire aussi du « noir c’est triste » que nous avons tous. J’avoue, je l’avais aussi. 😉
Il nous demande aussi de réagir sur un tableau qui présente une trace verticale puis une autre à côté mais qui s’arrête net. Quel magnifique commentaire d’une des visiteuses passées : « ses traits ont une fin. » Oui, c’est vrai on sent la décision précise dans ses gestes.
De mon côté je note que j’y vois une « traversée », je note donc que je pars souvent dans le poétique, c’est ma vision à moi.
Un groupe moteur
Je note que le groupe de visite est très soutenant, car le commentaire de l’un nourrit l’imaginaire de l’autre, ou bien me fait prendre conscience que non, ce n’est pas par là qu’il faut chercher, mais ailleurs.
Conclusion
Je terminerai juste par cette citation de Soulages que j’adore :
« Ce que je fais m’apprend ce que je cherche. »
J’admire le travail infatigable de cet homme qui a creusé son sillon sur tant d’années, après certaines révélations.
Car oui, on ne sait pas toujours ce qu’on fait dans la vie, on tâtonne, on cherche. Mais c’est en se lançant dans l’action que peu à peu, on trouve!
Et c’est en regardant des médiateurs passionnants que je me dis que cette voix / cette voie est aussi la mienne.